Le 23/07/2012 à Léon
Leslie,
Pas de pages de lettres aujourd’hui, ça ne m’amuse
pas, je préfère écrire pour apprendre. Comme toi, je ne supporte
pas la production pour la production, si la nécessité n’est pas
présente ça ne vaut pas le coup. Malgré l’effort que me demande
l’écriture, je me remets à écrire certaines réflexions,
notamment sur la musique, car j’essaie de jouer du piano. Je joue
mal et je n’ai aucune oreille, mais le piano, lui, joue avec mes
émotions. J’aimerais apprendre à jouer rien que pour exacerber
mes émotions et plonger dans des états de transe. C’est ma
propension à la fuite des réalités matérielles, c’est aussi ce
qui nourrit une certaine angoisse. Mais l’angoisse est une asphyxie
autarcique. Une étoile ayant une gravité trop importante devient un
trou noir en s’écrasant sur elle-même. J’aimerais apprendre à
“sortir de moi”, une forme de déplacement vertical finalement,
et en finir avec mes peurs égocentrées. Ne devrais-tu pas, toi
aussi, t’aménager un espace-temps en dehors de ton travail pour
respirer un autre air ? Facile à dire je sais.
Ici les jours commencent à se ressembler, je dois
impérativement creuser de nouveaux sillons dans mes journées pour
ne pas être piégé dans des automatismes. Le taf de saison est dur
pour ça. Je me pose la même question que toi : “quelle est la
part de mouvement dans cette immobilité ?” Je m’aperçois que ce
qu’il y a de vraiment positif pour moi en ce moment c’est d’avoir
un piano à disposition, je dois donc m’en saisir, comme je me
saisi de nos échanges. Quand je te lis et t’écris je suis de
nouveau ancré dans le sol, tu me stabilise, malgré toute distance,
tu es là pour me rappeler le plus important, me rappeler que la vie
artistique est notre priorité. T’écrire est le garant de ma non schizophrénie, tu me rappelles à ma réalité.
Cet échange de lettre est vraiment un excellent tuteur,
nous devons faire davantage confiance à notre intuition, comme pour
ces lettres et ce qu’elles nous apportent. Fais toi confiance pour
le dessin, c’est dans tes doigts, et fais confiance à ta capacité
de travail hallucinante.
Ps : je n’ai plus de papier de réserve!