17 nov. 2012

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Le 23/07/2012 à Léon

Leslie,
Pas de pages de lettres aujourd’hui, ça ne m’amuse pas, je préfère écrire pour apprendre. Comme toi, je ne supporte pas la production pour la production, si la nécessité n’est pas présente ça ne vaut pas le coup. Malgré l’effort que me demande l’écriture, je me remets à écrire certaines réflexions, notamment sur la musique, car j’essaie de jouer du piano. Je joue mal et je n’ai aucune oreille, mais le piano, lui, joue avec mes émotions. J’aimerais apprendre à jouer rien que pour exacerber mes émotions et plonger dans des états de transe. C’est ma propension à la fuite des réalités matérielles, c’est aussi ce qui nourrit une certaine angoisse. Mais l’angoisse est une asphyxie autarcique. Une étoile ayant une gravité trop importante devient un trou noir en s’écrasant sur elle-même. J’aimerais apprendre à “sortir de moi”, une forme de déplacement vertical finalement, et en finir avec mes peurs égocentrées. Ne devrais-tu pas, toi aussi, t’aménager un espace-temps en dehors de ton travail pour respirer un autre air ? Facile à dire je sais.
Ici les jours commencent à se ressembler, je dois impérativement creuser de nouveaux sillons dans mes journées pour ne pas être piégé dans des automatismes. Le taf de saison est dur pour ça. Je me pose la même question que toi : “quelle est la part de mouvement dans cette immobilité ?” Je m’aperçois que ce qu’il y a de vraiment positif pour moi en ce moment c’est d’avoir un piano à disposition, je dois donc m’en saisir, comme je me saisi de nos échanges. Quand je te lis et t’écris je suis de nouveau ancré dans le sol, tu me stabilise, malgré toute distance, tu es là pour me rappeler le plus important, me rappeler que la vie artistique est notre priorité. T’écrire est le garant de ma non schizophrénie, tu me rappelles à ma réalité.
Cet échange de lettre est vraiment un excellent tuteur, nous devons faire davantage confiance à notre intuition, comme pour ces lettres et ce qu’elles nous apportent. Fais toi confiance pour le dessin, c’est dans tes doigts, et fais confiance à ta capacité de travail hallucinante.
Ps : je n’ai plus de papier de réserve!
À très vite, Julien