Vendredi 03 août 2012 – Ramonville
Julien,
Les lettres que j’ai
reçu de toi sont superbes, merci.
“La “création” se fait dans des
goulot d’étranglement. Même dans une langue donnée, même en
français par exemple, une nouvelle syntaxe est une langue étrangère
dans la langue. Si un créateur n’est pas pris à la gorge par un
ensemble d’impossibilités, ce n’est pas un créateur.”
(Deleuze) Aurions-nous raison d’être angoissés ? Nos peurs, nos
doutes, tout ça permet de tenir à des moments imposées (par et
pour nous-mêmes) comme celui de cette écriture quotidienne. Au
milieu du tumulte, ce moment est notre souffle. Un souffle maintenu,
une respiration maîtrisée, un aller-retour entre se remplir et se
vider. Se remplir de lecture, se vider d’écriture. Partager ce
souffle, en éprouver la lenteur, en apprécier la nécessité. Je
pensais que le moment de concentration était assimilable à un
presque-arrêt, à un frein sur le reste, mais il est aussi le canal
(ouvert entre nous deux) d’un mouvement qui n’est pas arrêté,
comme un bloc, mais juste d’une vitesse réduite. Même si j’ai
l’impression que mon rythme d’écriture s’accélère de plus en
plus, il est tenu par la lenteur de son déplacement. Je n’ai pas
besoin d’aller vite. Je peux respirer. Laisser passer du blanc.
J’ai mis comme fond d’écran de mon
ordinateur, l’un des dessins de vagues de Vija Celmins. J’ai
pensé à ça quand tu as parlé de la solitude que tu recherches
face à l’océan, ça m’a rappelé la sienne face à la feuille
de papier. Et ça me renvoie à la mienne, de solitude, bien sûr.
Mais comme est douce cette solitude si je l’associe à
la tienne. Deux regards perdus dans les vagues qui se rejoignent
grâce au point de vue qu’ils contemplent.
À
toi, Leslie.