18 nov. 2012

62/63 et 63/63

01 septembre 2012,
11h49, Léon.

     Leslie,
     me voilà en train de remonter l’ancre, de remplir mon sac, de balayer poussières (sable, peaux, cheveux et autres bestioles microscopiques traînant ça-et-là) et d’écrire pour la dernière fois ici. Ce lieu fut comme une bulle, tantôt tranquillisante, tantôt asphyxiante. Mais de cette bulle j’étais en constante relation avec toi, comme deux univers reliés par un trou de verre, cette feuille A4 était alors le vaisseau de notre odyssée. La boîte aux lettres ouverte chaque matin comme le lieu d’une téléportation d’idées.
     “Que faire?” et comment “habiter” dès lors ? Je rentre à Bordeaux, ville d’adoption due aux hasards de mon déplacement, hasards qui m’ont permis de faire l’une des rencontres les plus importantes de ma courte vie : toi, Leslie Rivalland. Bordeaux, ville d’adoption mais non ville d’élection, j’aimerais que cette ville d’élection nous la trouvions à deux. Malgré tout, le fait que deux heures de train séparent nos pôles respectifs, nous habitons alors un territoire plutôt vaste qui abrite nos déplacements, nos habitudes, le dépôt de peaux et de buée à l’intérieur des trains et des gares.
Je songe souvent au film In the air à propos de ces questions de déplacements, de “où habitons-nous” et alors du “que faire de nos possessions”? C’était la civilisation qui a amené l’homme à l’état sédentaire c’est cette même civilisation qui, à son paroxysme, nous rend notre nomadisme. Avec du recul nous pourrions voir une boucle se dessiner, d’autant que le 21 décembre 2012 approche...
Retour à un état où se qui nous guide est moins une recherche de stabilité fixe qu’une envie de se libérer d’entraves liées à nos vies en appartement, où le monde redevient nôtre. J’idéalise tout ça je sais. En tout cas, c’est grâce à cette mobilité que j’ai eu le plaisir de t’écrire quasi chaque jour et te lire à cette même fréquence. C’est par cette mobilité que tu t’es inscrite encore plus profondément en moi, allant du coeur à la tête, et peut-être même dans mes gênes.
Maintenant que cette expérience épistolaire prend fin, du moins ici, nous allons devoir trouver un nouveau mode opératoire pour continuer d’habiter “vastement” ensemble. Je suis pressé que l’on commence à relire, décoder et réécrire tout ça, de voir tous les fils que l’on va pouvoir tirer. Je ne réalises pas encore le poids de tout ce que l’on s’est dit, en tout cas, après cette année intense que l’on a vécue et qui s’est terminée par une victoire en règles, je trouve que, malgré les doutes qui nous habitent encore, nous avons très bien réagi pour entamer autre chose ce qui est sûr c’est que nous avons ouvert des portes. Continuer de penser avec toi tout cet été m’a permis de ne pas m’enliser dans l’après diplôme. Je suis heureux car tous les deux, nous avons le même besoin de mouvement pour respirer, le même désir d’action. Je ne te l’ai jamais dit dans ces lettres, mais je t’aime Leslie, tu éveilles en moi un désir de vie et une exigence que je n’ai jamais connue auparavant. Je me permets un petit peu de lyrisme pour te dire à quel point ce lien qui nous unis transcende notre condition et me fait reconnaître en toi toute une complémentarité qui active une merveilleuse énergie, une volonté pour avancer et ne pas me reposer sur mes acquis.
     Il est maintenant l’heure de commencer un nouveau projet et j’ai hâte que l’on trouve une forme à celui-ci, de pouvoir écrire mon nom à côté du tien Leslie.
Toujours à toi,
Julien