Dimanche 8 juillet 2012 – Ramonville Saint-Agne
Julien,
Je répond à
ta lecture de ma lettre, et non pas à ta lettre répondant à la
mienne puisque tu ne l’as pas encore postée. C’est finalement un
peu comme cette histoire de protocole à l’aveugle dont on avait
discuté au départ. Puisque là, je te répond sans avoir lu ta
lettre et que nous posterons chacun la nôtre probablement au même
moment. Si nous procédions ainsi il y aurait donc deux niveaux
d’échanges : un aveugle et un... que pourrait-on dire ? Disons un
conscient ou alors un littéral.
Le littéral influencerait petit à petit l’aveugle. Mais aveugle
n’est pas non plus le mot qui convient. C’est un échange moins
influencé, moins direct et en même temps plus spontané...
célibataire peut-être.
Je choisis donc de nommer
ainsi ces deux niveaux d’échange : l’échange littéral (ou
réciproque ?) et l’échange célibataire. Je choisis également de
ne pas te faire part de tout ceci par un autre moyen de
communication. Mon ajout au protocole sera donc éprouvé par l’action
même.
À
propos de mon rangement du moment : j’ai commencé le classement de
ma bibliothèque. Ce classement sera avant tout une liste. Liste
(probablement alphabétique) de tous les livres qui se trouvent en ma
possession. Mais cette possession ne doit pas rimer avec archive,
conservation ou quelconque pesanteur, charge, balise. Tu sais comme
j’ai du mal à me séparer de l’objet-livre et c’est un
problème notamment dans ma volonté de penser le délestement ou le
déplacement. Je pense qu’une personne est, à tous les niveaux,
consciemment ou pas, dans le lire ou le non-lire (you know what I
mean), constituée par sa bibliothèque (quel que soit le sens,
physique ou mental qu’on met derrière) et même constituée par la
constitution (ou non constitution) de sa bibliothèque. Enfin l’idée
est donc de tenir cette liste tout en lui associant un état de
déplacement (ou non déplacement) de chaque livre. J’ai déjà
vendu quatre de mes livres mais ils ne s’effacent pas pour autant
de la liste. Je peux les vendre, les donner, les abandonner quelque
part...
Le livre pèse entre mes doigts lorsque je le lis et puis
ne se déplace plus que dans le jeu entre mémoire et oubli. Je le
maintient et puis je le lâche.
Je me demande si j’ai pas
eu envie de mettre en place toute cette histoire de protocole
épistolaire juste pour recevoir une lettre d’un garçon pour la
première fois de ma vie.
Que
doit-on attendre de ces lettres ? Je me demande ce que ça fait d’en
recevoir une. J’ai du mal à me projeter au-delà du sentiment.
Écrire
de cette façon me rappelle énormément de lettres que j’ai pu
rédiger sans volonté de les envoyer. Du coup je repense à cette
idée de ne pas lire certaines lettres, de ne pas tout lire.
Si je suis dans l’échange célibataire, là j’écris
pour moi-même, à moi-même. Alors pourquoi j’ai envie de
l’envoyer celle-là ? Pour qui ?
Leslie.