Mardi 17 juillet 2012 – Ramonville
Julien,
À la lecture de tes
deux dernières lettres, que j’ai reçues simultanément ce matin,
je me dis que ce travail sur la graphie va être intéressant à la
fois pour penser le geste, l’habitude et aussi la question de
l’entraînement. Quand je réfléchis aux différents mécanismes
de constitution d’une écriture manuscrite, je continue de penser
qu’il s’agit avant tout de dessin. Ce “tracé réfléchi et non
automatique” dont tu parles est précisément ce que j’aimerais
revendiquer quant à ma pratique du dessin. Il me faut pervertir mon
geste, ma technique afin de pouvoir la penser à nouveau. Comment
pervertir mon geste, mes
gestes au sein
desquels s’est déposé une confiance sûre et lisse, une
simplicité ? Il me semble évident que mon entraînement doit se
déplacer ; je dois changer d’outils, abandonner ce que je tiens à
présent entre mes doigts, dans
mes doigts, mes yeux, ma tête et le muscle de mon bras. Il faut
m’aventurer un tendon plus loin.
Je remarque une évolution
très nette de la graphie entre tes deux lettres. Si la première
est, évidemment mal assurée, la deuxième a quelque chose de
physiquement appuyé. Le geste est comme crispé et les lettres sont
profondément inscrites, gravées dans le papier. L’écriture
semble marquer le papier proportionnellement au poids, à l’intensité
de l’effort, de la concentration (ou de l’attention). Je repense
à mes premières utilisations du stylo-à-bille dans mes dessins,
puis aux progrès que j’ai effectués “sans fin”, par la seule
pratique répétitive. Mon geste a habité le terrain de la feuille
de papier jusqu’à presque s’en détacher, ne s’y inscrivant
qu’à peine. Le geste, dans mes doigts et à travers mon outil, est
désormais un geste en soi, indépendant de tout support. Je pourrais
le faire, ne pas le faire. Ces deux actions sont désormais
équivalentes.
Bien à toi, Leslie.