18 nov. 2012

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Lundi 06 août 2012 – Ramonville

     Julien,

   Que faire d’ici et de maintenant ? Comment employer le temps plein d’entraves que j’occupe en ce moment. J’ai l’impression que mon temps est fragmenté entre les instants d’écriture et tout le reste. Ces instants sont des brisures dans la continuité de mes actions. Ils sont comme les œuvres vives. Cachés, sous-jacents, mais moteurs. Les œuvres mortes sont l’ensemble des actions qui occupent le temps officiel de mes journées, mais elles ne sont pas utiles à ma navigation bien qu’elles appartiennent à un champ linéaire, j’avance dans mon travail mais reste immobile. Seul l’espace de l’écriture me permet de m’enfoncer suffisamment dans la pratique pour pouvoir expérimenter un mouvement. Et ce mouvement, vis-à-vis du fil de mes activités est un arrêt. Pour ma journée c’est un arrêt, pour ma capacité intérieure de concentration c’est une oscillation dans l’épaisseur de la durée. Je n’avais jamais éprouvé à ce point l’idée du déplacement vertical. Le temps s’arrête et par cet arrêt, par ce dépiotage de la durée, il peut révéler ce qu’il a volé à la continuité. Immobile dans la continuité et en mouvement à l’arrêt.
    Je pense tous les jours, je ressens tous les jours les strates que nous entassons quotidiennement par nos échanges d’écriture. Je me rêve la densité matérielle du résultat de notre action. J’ai hâte de presser l’étau du processus pour en extraire l’objet d’un recommencement. C’est très important pour moi de rêver à ce qu’on est en train de construire. Ce n’est pas de la projection, pas même une ambition, c’est une manière de nourrir l’envie, en la laissant courir devant pour mieux l’observer, l’analyser. Pour suivre son rêve.
À toi, Leslie.