Lundi 06 août 2012 – Ramonville
Julien,
Que faire d’ici et de maintenant ?
Comment employer le temps plein d’entraves que j’occupe en ce
moment. J’ai l’impression que mon temps est fragmenté entre les
instants d’écriture et tout le reste. Ces instants sont des
brisures dans la continuité de mes actions. Ils sont comme les œuvres vives. Cachés, sous-jacents, mais moteurs. Les œuvres
mortes sont l’ensemble des actions qui occupent le temps officiel
de mes journées, mais elles ne sont pas utiles à ma navigation bien
qu’elles appartiennent à un champ linéaire, j’avance dans mon
travail mais reste immobile. Seul l’espace de l’écriture me
permet de m’enfoncer suffisamment dans la pratique pour pouvoir
expérimenter un mouvement. Et ce mouvement, vis-à-vis du fil de mes
activités est un arrêt. Pour ma journée c’est un arrêt, pour ma
capacité intérieure de concentration c’est une oscillation dans
l’épaisseur de la durée. Je n’avais jamais éprouvé à ce
point l’idée du déplacement vertical. Le temps s’arrête et par
cet arrêt, par ce dépiotage de la durée, il peut révéler ce
qu’il a volé à la continuité. Immobile dans la continuité et en
mouvement à l’arrêt.
Je pense tous les jours, je ressens
tous les jours les strates que nous entassons quotidiennement par nos
échanges d’écriture. Je me rêve la densité matérielle du
résultat de notre action. J’ai hâte de presser l’étau du
processus pour en extraire l’objet d’un recommencement. C’est
très important pour moi de rêver
à ce qu’on est en train de construire. Ce n’est pas de la
projection, pas même une ambition, c’est une manière de nourrir
l’envie, en la laissant courir devant pour mieux l’observer,
l’analyser. Pour suivre son rêve.
À
toi, Leslie.