18 nov. 2012

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Jeudi 09 août 2012 – Ramonville

     Cher Julien,

     Merci d’avoir partagé avec moi cette vision de l’océan en la rapportant par des mots similaires à ceux que j’aurais pu choisir pour la décrire ou la ressentir. L’espace clos et confiné dans lequel je déploie la possibilité réduite de mes gestes me donne des envies, des besoins d’immensité. Il faut des espaces vastes pour penser l’ampleur d’un geste. Je crois que je parle beaucoup de ça dans mes dessins. La marge, étant, comme tu le sais, aussi important que ce qui est inscrit, parle aussi de cet état de réduction du geste relative à l’espace occupé. C’est ma manière de répondre à cette condition qui souvent me déplaît ou me gêne, creuser un petit trou dans mon immobilité. Cela dit, lorsque je suis confrontée, impliquée dans des espaces vastes, face à l’océan ou en effectuant un voyage, lorsque je parviens à circuler aussi dans les blancs, j’ai moins besoin de le marquer, moins besoin de le figurer en quelque sorte. Aussi, ces moments d’immobilité continuelle sont les moments propices à la recherche du grand, du loin. Si j’étais face à l’océan, je n’aurais pas besoin de le dessiner, puisqu’il serait déjà là, il serait autour de moi. J’évoluerais dans sa grille, une grille aux lents mouvements, aux lignes qui s’étirent, qui s'effacent et qui apparaissent à nouveau. Le dessin serait déjà-là puisque mes yeux le reconnaîtrait. Les mots qui s’alignent sur la page que j’ai lue ce matin me rappellent ces vagues qui se meuvent, ma réponse en est la continuité. Nos échanges sont comme ces vagues tranquilles et presque plates du matin, blanches et bougeant sans cesse, dans un aller-retour entraînant.
À toi, Leslie.