Jeudi 09 août 2012 – Ramonville
Cher Julien,
Merci d’avoir partagé avec moi cette
vision de l’océan en la rapportant par des mots similaires à ceux
que j’aurais pu choisir pour la décrire ou la ressentir. L’espace
clos et confiné dans lequel je déploie la possibilité réduite de
mes gestes me donne des envies, des besoins d’immensité. Il faut
des espaces vastes pour penser l’ampleur d’un geste. Je crois que
je parle beaucoup de ça dans mes dessins. La marge, étant, comme tu
le sais, aussi important que ce qui est inscrit, parle aussi de cet
état de réduction du geste relative à l’espace occupé. C’est
ma manière de répondre à cette condition qui souvent me déplaît
ou me gêne, creuser un petit trou dans mon immobilité. Cela dit,
lorsque je suis confrontée, impliquée dans des espaces vastes, face
à l’océan ou en effectuant un voyage, lorsque je parviens à
circuler aussi dans les blancs, j’ai moins besoin de le marquer,
moins besoin de le figurer en quelque sorte. Aussi, ces moments
d’immobilité continuelle sont les moments propices à la recherche
du grand, du loin. Si j’étais face à l’océan, je n’aurais
pas besoin de le dessiner, puisqu’il serait déjà là, il serait
autour de moi. J’évoluerais dans sa grille, une grille aux lents
mouvements, aux lignes qui s’étirent, qui s'effacent et qui
apparaissent à nouveau. Le dessin serait déjà-là puisque mes yeux
le reconnaîtrait. Les mots qui s’alignent sur la page que j’ai
lue ce matin me rappellent ces vagues qui se meuvent, ma réponse en
est la continuité. Nos échanges sont comme ces vagues tranquilles
et presque plates du matin, blanches et bougeant sans cesse, dans un
aller-retour entraînant.
À
toi, Leslie.