Lundi 24 juillet 2012 – Ramonville
Julien,
J’aime beaucoup l’idée
de tapisserie que tu évoques dans ta lettre. J’ai toujours pensé
que texte et tissu étaient liés et que le dessin est un bon moyen
d’en parler. La page A4 est un peu comme notre métier à tisser,
une matrice sur laquelle reposer quotidiennement notre ouvrage. Comme
une pratique, un geste répétitif sans être automatique. J’aime
bien penser qu’on utilise toujours la même feuille, comme si on
passait notre temps à recommencer. Chaque fois la page est vierge,
mais nous savons comment la remplir.
Je t’envoie, avec cette lettre, un texte que l’on
pourrait rapprocher d’une certaine idée de l’entrelacement.
Chacun de nous occupe son temps de manière différente, excepté le
moment de l’écriture. Une fois penchés sur la feuille blanche (ce
terrassement commun) nous appartenons à la même temporalité et la
distance qui nous sépare disparaît. Nous tissons ensemble les
lignes de ces pages. Autant dans le fil de la conversation que dans
le support d’écriture. Nos deux manières simultanées
s’entrelacent à l’aveugle sur ce terrain que nous avons choisi
pour être ensemble.
«Un
peu de ta main dans la mienne à chaque fois que j’écris», te
porterais-je sur moi ? Nos écritures se superposent comme des
strates de sens. Nos outils communs sont autant le stylo que la
langue. Nous sommes en train de construire un style à deux. Écrire
ces lettres revient pour moi à réaliser un dessin de grand format
comme celui de la salle de conférence. Une posture quotidienne et
répétitive, une durée étirée entre des moments de densités,
moments qui pèsent, qui stabilisent comme tu dis, et des moments de
respiration, de blancs, de marges.
À
toi,