17 nov. 2012

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Lundi 24 juillet 2012 – Ramonville

     Julien,

    J’aime beaucoup l’idée de tapisserie que tu évoques dans ta lettre. J’ai toujours pensé que texte et tissu étaient liés et que le dessin est un bon moyen d’en parler. La page A4 est un peu comme notre métier à tisser, une matrice sur laquelle reposer quotidiennement notre ouvrage. Comme une pratique, un geste répétitif sans être automatique. J’aime bien penser qu’on utilise toujours la même feuille, comme si on passait notre temps à recommencer. Chaque fois la page est vierge, mais nous savons comment la remplir.
Je t’envoie, avec cette lettre, un texte que l’on pourrait rapprocher d’une certaine idée de l’entrelacement. Chacun de nous occupe son temps de manière différente, excepté le moment de l’écriture. Une fois penchés sur la feuille blanche (ce terrassement commun) nous appartenons à la même temporalité et la distance qui nous sépare disparaît. Nous tissons ensemble les lignes de ces pages. Autant dans le fil de la conversation que dans le support d’écriture. Nos deux manières simultanées s’entrelacent à l’aveugle sur ce terrain que nous avons choisi pour être ensemble.
«Un peu de ta main dans la mienne à chaque fois que j’écris», te porterais-je sur moi ? Nos écritures se superposent comme des strates de sens. Nos outils communs sont autant le stylo que la langue. Nous sommes en train de construire un style à deux. Écrire ces lettres revient pour moi à réaliser un dessin de grand format comme celui de la salle de conférence. Une posture quotidienne et répétitive, une durée étirée entre des moments de densités, moments qui pèsent, qui stabilisent comme tu dis, et des moments de respiration, de blancs, de marges.

À toi,
Leslie.