18 nov. 2012

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08/02/2012
Léon

     Ma très chère,
     Ce matin j’étais face à une grille, celle qui se trouve à la surface de l’océan avant midi, l’heure fétiche des surfers. En effet, aucune écume, personne sur la plage ni dans l’eau, la surface n’étant troublée que par un léger vent d’est. Alors la surface de l’eau ressemblait à un grillage en losange, parfaitement clair. Les vagues, même les plus hautes, donnaient à l’océan l’effet d’une peau, d’un ventre qui respirait. La seul différence permettant de les percevoir était l’ombre menaçante de la peau qui se densifiait. Oui, j’avais un Vija Celmins en mouvement devant les yeux, j’aurais aimé que tu vois ça. En fait je l’ai vu pour te le raconter, te le ra-porter.
Le vent d’est ne figurait pas seulement une surface pittoresque, je levais légèrement les yeux et j’étais frappé par les nuages. L’eau du ciel s’étirait en traînées qui formaient des méduses, des feux, des explosions... Des drapés aussi! Je pensais à ton projet de dessin de nuages mais je n’avais pas d’appareil photo... Je ne sais pas si de telles formes on les trouve ailleurs qu’au bord de l’océan, au-dessus je veux dire, c’est comme si on soufflait sur du sable fin.
     Toute la journée j’ai pensé à la lettre que j’allais t’écrire, je voulais partager ça, j’aurais voulu que tu sois à ma place. Je perverti un peu le contenu de cette lettre, puisqu’on parle souvent de nos espaces respectifs, j’avais envie de te donner un rapport, un court rapport, sur ce que j’ai pu voir, ici. C’est aussi parce que, ce matin, seul, sans moyen de te le communiquer par SMS, seul, “coupé” de toi, j’ai été pris d’une violente mélancolie, tristesse même. Alors j’ai tout observé, instinctivement, avec ton désir, ta passion. Le dessin, cette structure pure et mouvante de l’océan, ces nuages que tu aurais adoré. Alors je n’étais plus triste, je voulais m’en souvenir pour te le transmettre. Tu étais là, dans mon paysage.
À toi, Julien