08/02/2012
Léon
Ma très chère,
Ce matin j’étais face à une grille,
celle qui se trouve à la surface de l’océan avant midi, l’heure
fétiche des surfers. En effet, aucune écume, personne sur la plage
ni dans l’eau, la surface n’étant troublée que par un léger
vent d’est. Alors la surface de l’eau ressemblait à un grillage
en losange, parfaitement clair. Les vagues, même les plus hautes,
donnaient à l’océan l’effet d’une peau, d’un ventre qui
respirait. La seul différence permettant de les percevoir était
l’ombre menaçante de la peau qui se densifiait. Oui, j’avais un
Vija Celmins en mouvement devant les yeux, j’aurais aimé que tu
vois ça. En fait je l’ai vu pour te le raconter, te le ra-porter.
Le vent d’est ne figurait pas seulement une surface
pittoresque, je levais légèrement les yeux et j’étais frappé
par les nuages. L’eau du ciel s’étirait en traînées qui
formaient des méduses, des feux, des explosions... Des drapés
aussi! Je pensais à ton projet de dessin de nuages mais je n’avais
pas d’appareil photo... Je ne sais pas si de telles formes on les
trouve ailleurs qu’au bord de l’océan, au-dessus je veux dire,
c’est comme si on soufflait sur du sable fin.
Toute la journée j’ai pensé à la
lettre que j’allais t’écrire, je voulais partager ça, j’aurais
voulu que tu sois à ma place. Je perverti un peu le contenu de cette
lettre, puisqu’on parle souvent de nos espaces respectifs, j’avais
envie de te donner un rapport, un court rapport, sur ce que j’ai pu
voir, ici. C’est aussi parce que, ce matin, seul, sans moyen de te
le communiquer par SMS, seul, “coupé” de toi, j’ai été pris
d’une violente mélancolie, tristesse même. Alors j’ai tout
observé, instinctivement, avec ton désir, ta passion. Le dessin,
cette structure pure et mouvante de l’océan, ces nuages que tu
aurais adoré. Alors je n’étais plus triste, je voulais m’en
souvenir pour te le transmettre. Tu étais là, dans mon paysage.
À
toi, Julien