18 nov. 2012

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Jeudi 30 août 2012 – Ramonville

     Julien,
    Aujourd’hui il fait gris et il pleut, ce qui a pour effet de me faire sentir encore plus enfermée. Je suis enfermée ici à travailler devant mon ordinateur, et je suis enfermée dans mon corps car mon immobilité m’empêche d’accéder à sa connaissance. J’ai besoin de mouvements, de déplacement. Un corps n’est pas fait pour rester ainsi jusqu’à l’épuisement dans la même position. J’ai l’impression que ce manque de mouvement entrave aussi des facultés de réflexion. Mes gestes se réduisent à un minimum. C’est une parcimonie de vie. J’ai besoin de marcher, de marcher longtemps. Ou de courir. De nager. Je voudrais sentir mon corps au-delà d’un cul sur une chaise et de deux mains s’activant médiocrement sur un bureau.
En ce moment, j’ai perdu la force de dessiner, comme tu le sais. Je crois que c’est en partie parce que ce geste ne me servirait à rien car il ressemble déjà trop à la vie que je mène : remplissage entêtant, réduction de l’espace, immobilité. Je me demande quelle est la différence entre ma façon de vivre l’année dernière et ce que je fais depuis cet été. Pour quoi suis-je autant frappée par cette absence de mouvement. La solitude ? L’enfermement ? Je ne fais presque pas de pauses dans mon travail, mis à part pour me nourrir. Tu sais bien que j’aime manger, mais désormais je ne conçois plus la nourriture que comme un poids supplémentaire qui me procure une énergie dont je n’ai que faire. Je suis insomniaque, même le sommeil n’apporte plus un contraste assez grand pour apaiser mon esprit. J’arrive à un point limite de pesanteur et je me sens tirée vers le néant.
Mais ce constat me fait presque plaisir, me rassure en quelque sorte, car maintenant je n’ai plus le choix : IL FAUT QUE JE ME BOUGE !
À toi, Leslie.