Leslie,
“Comme si [...] le style
n’était que le terme d’une métamorphose aveugle et obstinée,
partie d’un infra-langage qui s’élabore à la limite de la chair
et du monde.”
“Le style a toujours
quelque chose de brut: il est une forme sans distinction.”
Je ne recopierai pas Barthes en entier
bien que l’envie m’y pousserait, mais déjà ces deux phrases me
posent question. Essentiellement celle d’un Habiter, deuxièmement
celle d’un porter-sur-soi, troisièmement ce que Thomas a nommé
“Sympathie et métaphore”. Le style “révèlerait” notre mode
d’habiter intime pour un déplacement vertical dans l’évènement
(du langage), se faisant par un vécu, une réception du monde
(sympathie), sa transformation (métaphore), aboutissant à un
entrelacement (relisant la phrase de Duchamp : “Quand la fumée de
tabac sent aussi de la bouche qui l’exhale, les deux s’épousent
par infra-mince”, je trouve que l’idée d’entrelacement et
d’infra-mince se rejoignent quelque part) donnant alors, en dernier
ressort la possibilité d’un porter-sur-soi, l’expression d’un
porter, d’un rencontré, la possibilité d’une transmission.
Peut-être me trompe-je ou vais-je vite en besogne, je suis ouvert à
la reprise si j’interprète mal ton concept mais il me semble que
ces quatre écrits (et il y en a d’autres) révèlent un processus
d’acquisition, de transport et de transmission du monde et de
l’information, ici, d’une identité humaine et artistique,
desquelles résulte uns style de vie, et un style artistique dans nos
cas respectifs. “La structure est le dépôt d’une durée” dit
encore Barthes. Le porter-sur-soi est une idée qui me plaît énormément car il serait comme la résultante d’un entrelacement,
comme le dépôt “à la limite de la chair et du monde”, l’apogée
de l’hybridation avec le monde, ou disons son état.
Une idée me vient à propos du possible site internet
collectif. Pourquoi ne pas mettre à disposition un pdf de nos
mémoires, revus et corrigés (en tout cas pour moi), afin de donner
la possibilité aux visiteur intéressés d’avoir accès au fond de
notre pensée et pas seulement à des descriptions de pièces ? Il me
semble que ce serait aussi un moyen d’être lus. Est-ce une
question d’éthique ? Après tout, c’est aussi une de nos
“œuvres” (désolé pour le mot bien qu’il soit juste) et je
crois qu’elle prend une grande place dans nos réflexions actuelles
et encore à venir.
En tout cas, je trouve qu’il y a quelque chose à
creuser dans nos différentes strates d’approches et de
participations au monde, participant aussi de nos styles de vie. Je
vois aussi ce site comme un lieu privilégié où chacun pourrait
écrire, dépassant peut-être la vitrine pour aller vers quelque
chose de plus actif. Là encore, il serait bon d’en parler tous
ensemble, ce n’est qu’une option.
Quant à ma dernière lettre, j’aurais sans doute dû
adopter un ton moins moraliste et aller au but de mon idée et éviter
des jugements mal perçus. J’ai tendance à être trop emphatique
ce qui obscurcie le fond de ma pensée, mais je sais qu’au-delà de
la couche de malentendus nous nous sommes compris. Je ne voulais pas
exprimer un rejet mais plus l’envie de construire quelque chose
dans notre après Beaux-Arts. Malgré ça, le débat demeure
essentiel et constructif, et c’est débattre avec toi toute cette
année qui me permet d’en être là où j’en suis aujourd’hui
justement parce que j’aime et respecte tout ce que tu es Leslie. Ta
parole compte et a beaucoup de valeur pour moi, plus que tout autre.
À
toi, Julien.