18 nov. 2012

50/63 et 51/63

À Léon, le 23 août 2012

     Leslie,
    “Comme si [...] le style n’était que le terme d’une métamorphose aveugle et obstinée, partie d’un infra-langage qui s’élabore à la limite de la chair et du monde.”
     “Le style a toujours quelque chose de brut: il est une forme sans distinction.

     Je ne recopierai pas Barthes en entier bien que l’envie m’y pousserait, mais déjà ces deux phrases me posent question. Essentiellement celle d’un Habiter, deuxièmement celle d’un porter-sur-soi, troisièmement ce que Thomas a nommé “Sympathie et métaphore”. Le style “révèlerait” notre mode d’habiter intime pour un déplacement vertical dans l’évènement (du langage), se faisant par un vécu, une réception du monde (sympathie), sa transformation (métaphore), aboutissant à un entrelacement (relisant la phrase de Duchamp : “Quand la fumée de tabac sent aussi de la bouche qui l’exhale, les deux s’épousent par infra-mince”, je trouve que l’idée d’entrelacement et d’infra-mince se rejoignent quelque part) donnant alors, en dernier ressort la possibilité d’un porter-sur-soi, l’expression d’un porter, d’un rencontré, la possibilité d’une transmission. Peut-être me trompe-je ou vais-je vite en besogne, je suis ouvert à la reprise si j’interprète mal ton concept mais il me semble que ces quatre écrits (et il y en a d’autres) révèlent un processus d’acquisition, de transport et de transmission du monde et de l’information, ici, d’une identité humaine et artistique, desquelles résulte uns style de vie, et un style artistique dans nos cas respectifs. “La structure est le dépôt d’une durée” dit encore Barthes. Le porter-sur-soi est une idée qui me plaît énormément car il serait comme la résultante d’un entrelacement, comme le dépôt “à la limite de la chair et du monde”, l’apogée de l’hybridation avec le monde, ou disons son état.
Une idée me vient à propos du possible site internet collectif. Pourquoi ne pas mettre à disposition un pdf de nos mémoires, revus et corrigés (en tout cas pour moi), afin de donner la possibilité aux visiteur intéressés d’avoir accès au fond de notre pensée et pas seulement à des descriptions de pièces ? Il me semble que ce serait aussi un moyen d’être lus. Est-ce une question d’éthique ? Après tout, c’est aussi une de nos “œuvres” (désolé pour le mot bien qu’il soit juste) et je crois qu’elle prend une grande place dans nos réflexions actuelles et encore à venir.
     En tout cas, je trouve qu’il y a quelque chose à creuser dans nos différentes strates d’approches et de participations au monde, participant aussi de nos styles de vie. Je vois aussi ce site comme un lieu privilégié où chacun pourrait écrire, dépassant peut-être la vitrine pour aller vers quelque chose de plus actif. Là encore, il serait bon d’en parler tous ensemble, ce n’est qu’une option.
     Quant à ma dernière lettre, j’aurais sans doute dû adopter un ton moins moraliste et aller au but de mon idée et éviter des jugements mal perçus. J’ai tendance à être trop emphatique ce qui obscurcie le fond de ma pensée, mais je sais qu’au-delà de la couche de malentendus nous nous sommes compris. Je ne voulais pas exprimer un rejet mais plus l’envie de construire quelque chose dans notre après Beaux-Arts. Malgré ça, le débat demeure essentiel et constructif, et c’est débattre avec toi toute cette année qui me permet d’en être là où j’en suis aujourd’hui justement parce que j’aime et respecte tout ce que tu es Leslie. Ta parole compte et a beaucoup de valeur pour moi, plus que tout autre.
À toi, Julien.