18 nov. 2012

55/63 et 56/63

Mardi 28 août 2012 – Ramonville

     Cher Julien,
    Penses-tu que nous serons capables d’écrire quelque chose à deux ? Je trouve que la forme que nous avons choisie ici est pertinente car elle laisse la place à deux paroles, à deux écritures. Mais si nous devons écrire quelque chose d’autre, une écriture où il n’y aurait pas une telle séparation. J’aimerais réfléchir à une nouvelle forme d’échange qui nous permettra d’exercer notre “style” ensemble. Il faudrait écrire à deux à propos du projet des lettres, d’une façon moins mécanique, moins “aller-retour”.
    Tu parles beaucoup d’apprentissage en ce moment. Je me demandais s’il serait possible d’apprendre quelque chose à deux, peut-être même de s’apprendre des choses mutuellement. En guise de projet sur le long terme, l’apprentissage lui-même et les rélfexions à son propos pourrait nous permettre de maintenir et développer un autre exercice d’écriture. Je ne te proposerai pas l’entraînement sportif bien que ce soit une activité qu’on peut indifféremment pratiquer ensemble ou séparement. Moi il y a quelque chose que je sais faire c’est ça: 
Je crois qu’apprendre quelque chose qui ne concerne pas directement nos intérêts, le faire ensemble, pourrait nourrir nos recherches communes. Il faudrait encore décidé ce que nous souhaitons apprendre et surtout par quel moyen (internet, bouquins, quelqu’un qui nous apprend...) et aussi il faut réfléchir à ce que ça apporterait de le faire à deux pour nous qui sommes habitués à apprendre seuls ou au milieu d’un groupe.
Il y a un truc qui m’a toujours fascinée, c’est l’apprentissage des langages disons annexes, ou non dominants, mais qui ne sont pas pour autant des langues étrangères. La phonétique (évidemment), le morse, le braille, la langue des signes. Je me souviens avoir passé des heures à essayer de les apprendre quand j’étais enfant. Si je parle de ça en particulier c’est parce que apprendre ces langages peut paraître inutile et pourtant tous sont en fait très utiles, mais pas pour nous car nous ne nous sentons pas concernés. Je trouve que cette notion en soi peut être intéressante à étudier surtout pour nous qui sommes artistes et constamment interrogés sur l’utilité des choses. Je crois que plus la chose que l’on apprend n’a pas d’utilité directe pour nous-mêmes, plus il est facile de s’en détacher afin d’étudier nos gestes, nos attitudes face à l’apprentissage. J’aimerais ne pas être tentée de ré-utiliser toujours des connaissances dans un but utile mais plutôt me laisser dépasser par elles et les retrouver dans ma manière d’agir, dans mon langage. Ce serait comme ménager une spontanéité, préparer des surgissements.
Je sais que je suis un peu effrayée par la perspective de ne plus être officiellement étudiante. C’est peut-être pour ça que j’ai le désir de conserver ce souci d’apprendre en dehors des contextes. Pourrais-tu imaginer ces formes indépendantes d’apprentissage ? Tu parlais d’apprendre à et par ses amis. Comment faire pour que cela ne prennent pas les formes auquelles on a été habitués par l’école ? Ces formes qui étaient bien souvent terrifiantes et que, même si j’ai conscience de tout ce qu’elles ont pu m’apporter, je considère comme “derrière nous”.
À toi toute entière, Leslie.