Mardi 28 août 2012 – Ramonville
Cher Julien,
Penses-tu que nous serons capables
d’écrire quelque chose à deux ? Je trouve que la forme que nous
avons choisie ici est pertinente car elle laisse la place à deux
paroles, à deux écritures. Mais si nous devons écrire quelque
chose d’autre, une écriture où il n’y aurait pas une telle
séparation. J’aimerais réfléchir à une nouvelle forme d’échange
qui nous permettra d’exercer notre “style” ensemble. Il
faudrait écrire à deux à propos du projet des lettres, d’une
façon moins mécanique, moins “aller-retour”.
Tu parles beaucoup d’apprentissage
en ce moment. Je me demandais s’il serait possible d’apprendre
quelque chose à deux, peut-être même de s’apprendre des choses
mutuellement. En guise de projet sur le long terme, l’apprentissage
lui-même et les rélfexions à son propos pourrait nous permettre de
maintenir et développer un autre exercice d’écriture. Je ne te
proposerai pas l’entraînement sportif bien que ce soit une
activité qu’on peut indifféremment pratiquer ensemble ou
séparement. Moi il y a quelque chose que je sais faire c’est ça:
Je crois qu’apprendre quelque chose qui ne concerne pas directement
nos intérêts, le faire ensemble, pourrait nourrir nos recherches
communes. Il faudrait encore décidé ce que nous souhaitons
apprendre et surtout par quel moyen (internet, bouquins, quelqu’un
qui nous apprend...) et aussi il faut réfléchir à ce que ça
apporterait de le faire à deux pour nous qui sommes habitués à
apprendre seuls ou au milieu d’un groupe.
Il y a un truc qui m’a toujours fascinée, c’est
l’apprentissage des langages disons annexes, ou non dominants, mais
qui ne sont pas pour autant des langues étrangères. La phonétique
(évidemment), le morse, le braille, la langue des signes. Je me
souviens avoir passé des heures à essayer de les apprendre quand
j’étais enfant. Si je parle de ça en particulier c’est parce
que apprendre ces langages peut paraître inutile et pourtant tous
sont en fait très utiles, mais pas pour nous car nous ne nous
sentons pas concernés. Je trouve que cette notion en soi peut être
intéressante à étudier surtout pour nous qui sommes artistes et
constamment interrogés sur l’utilité des choses. Je crois que
plus la chose que l’on apprend n’a pas d’utilité directe pour
nous-mêmes, plus il est facile de s’en détacher afin d’étudier
nos gestes, nos attitudes face à l’apprentissage. J’aimerais ne
pas être tentée de ré-utiliser toujours des connaissances dans un
but utile mais plutôt me laisser dépasser par elles et les
retrouver dans ma manière d’agir, dans mon langage. Ce serait
comme ménager une spontanéité, préparer des surgissements.
Je sais que je suis un peu effrayée par la perspective de
ne plus être officiellement étudiante. C’est peut-être pour ça
que j’ai le désir de conserver ce souci d’apprendre en dehors
des contextes. Pourrais-tu imaginer ces formes indépendantes
d’apprentissage ? Tu parlais d’apprendre à et par ses amis.
Comment faire pour que cela ne prennent pas les formes auquelles on a
été habitués par l’école ? Ces formes qui étaient bien souvent
terrifiantes et que, même si j’ai conscience de tout ce qu’elles
ont pu m’apporter, je considère comme “derrière nous”.
À
toi toute entière, Leslie.