18 nov. 2012

45/63 et 46/63

Lundi 20 août 2012 – Roquebrune

     Julien,
     Si je devais te montrer comment c’est ici, il faudrait qu’on puisse y arriver le matin en étant des enfants et y grandir jusqu’au soir. Parce que je ne pourrais pas te faire voir les mêmes dimensions que j’y perçois, moi qui l’explore depuis toujours dans les moindres détails. Ici, mon attention ne s’est jamais assoupie et pourtant c’est le lieu qui m’est le plus familier, à la fois de manière individuelle et aussi à travers l’expérience collective de tout ceux qui y vivent ou qui y ont vécu. Jamais je ne pourrais te montrer combien cet endroit est vaste et dense, tu le trouverais sûrement restreint. Souvent les endroits rapetissent lorsque grandit. Pour moi, plus je le connais, plus il devient immense car c’est comme si je pouvais y percevoir chaque époque, chaque saison, chaque évènement simultanément. Je n’ai même pas besoin que l’espace soit réellement grand pour y voir à l’infini. Quand je regarde la garenne qui est devant la maison, je peux apercevoir le champ qui est derrière et il devient difficile d’imaginer qu’il y a quelques années, nous étions capables de l’explorer toute la journée jusqu’à l’épuisement comme la plus épaisse des forêts. On aurait même pu s’y perdre. Comment pourrais-je te montrer cet endroit comme je le connais pour y avoir grandi ? Je ne crois pas que raconter des anecdotes et des souvenirs pourrait suffir à décrire ce qui s’est passé pour moi ici. Comment t’expliquer que malgré toute ma connaissance du lieu, les mystères de l’enfance ne s’y sont jamais effacés. Les endroits dangereux sont toujours dangereux même si je n’ai plus cinq ans, les endroits pour jouer servent toujours à ça même s’ils ne m’amusent plus. C’est moins un attachement au lieu lui-même qu’aux évènement qui ont eu lieu ici.

Le même jour-de-retour à Ramonville (encore un lieu familier) : Je sais pas pour toi mais moi je commence à ressentir une petite pointe d’angoisse à l’idée qu’on ne retournera pas aux Beaux-Arts à la rentrée. C’est de l’angoisse car nous allons vers l’inconnu, hors de notre carcan habituel mais aussi une hâte car cet inconnu, nous allons devoir le construire nous-mêmes sans qu’on nous emmerde. J’ai déjà l’impression d’avoir bouclé mon emploi du temps de l’année prochaine. En espérant que vous me laisserez séjourner le plus longtemps possible quand vous serez au loin ! J’ai hâte d’enclencher les projets les uns après les autres et ce qui me motive c’est de pouvoir les mettre en œuvre avec toi comme co-équipier et même avec toi comme ami, si tu es d’accord.














À toi mon cher, Leslie.